À quoi ressemblerait votre cantine idéale ? C’est la question que nous avons posée aux participants de notre premier forum citoyen sur les cantines scolaires au mois de janvier. Réponse : une cantine municipale, sans délégation de service public, avec plus de produits frais, plus de fruits et légumes, moins de produits industriels, un temps de repas plus serein (plus de temps, moins de bruit), et des programmes d’éducation au goût et à l’alimentation responsable pensés avec les parents.
Rêver a le mérite de poser une direction, que nous avons suivie en allant visiter à Romainville une cuisine convertie au « 100% bio, 100% fait maison » sur place, dans la cuisine de l’école. Puisque derrière cette révolution il y avait un collectif, « Les Pieds dans le plat », nous avons invité deux de ses représentantes à venir échanger avec les Vanvéens.
Lors du deuxième forum citoyen jeudi 10 avril, nous avons donc reçu Marine Jobert, coordinatrice nationale de ce collectif qui réunit des cuisinier.es et diéteticien.nes dans toute la France, et Isabelle Bretegnier, présidente de la société coopérative d’intérêt collectif « Nourrir l’avenir », créée pour prolonger l’action du collectif en proposant des formations et un accompagnement aux municipalités qui veulent changer de modèle.
Isabelle était à l’origine une maman d’élève de Romainville, mécontente de l’alimentation proposée à ses enfants à l’école. Loin d’en rester à ce constat, elle a créé « Pas d’usine, on cuisine ! » pour regrouper les bonnes volontés et tenter d’infléchir la politique municipale. Elle a, en parallèle, repris ses études pour se former à la diététique. Finalement, avec le changement de municipalité en 2020, le travail sur les cantines a pu commencer, accompagné par « Les Pieds dans le plat ».
L’un des fondateurs du collectif, Jean-Marc Mouillac, a été filmé pour un numéro d’Envoyé Spécial. Le département de la Dordogne l’avait alors missionné pour transformer les cantines de ses 35 collèges. Ce qui saute aux yeux quand on découvre son travail, c’est qu’il va encore bien plus loin qu’on ne l’aurait imaginé. Avec lui, pas de friands industriels (qui ne nourrissent pas), mais pas non plus de brocolis surgelés, ou de cuisses de poulet, même bio. Les fruits et légumes sont frais, les bêtes entières, et on oublie bien sûr les œufs en bidon ou les fonds de tarte déjà prêts. Cela demande une vraie expertise, mais rapidement, les cuisines s’organisent et les salariés trouvent davantage de sens à leur travail. À Romainville où il est intervenu également et où les équipes ne faisaient que réchauffer des plats cuisinés ailleurs, c’est même un changement total de perspective qui a redonné le sourire en cuisine.
Ce que l’on comprend en échangeant avec Isabelle et Marine, c’est que la plupart des arguments qui nous sont opposés quand on demande de faire mieux pour les cantines ne sont pas fondés. Il n’y aurait pas assez de bio, ce serait trop cher, il y aurait un risque sanitaire… Rien ne résiste à l’analyse et à la volonté de changement. À Romainville, la première étude de faisabilité a montré qu’il y avait davantage d’argent dépensé en plastique qu’en fruits et légumes frais. En cuisinant sur place, on évite aussi les coûts de transport. Ce qui permet finalement d’avoir un repas moins cher tandis que le coût des travaux pour transformer la cuisine est amorti dans le prix. Côté sécurité, il faut créer des protocoles sur mesure et mettre en place un plan de maîtrise sanitaire. Rien d’impossible.
Lors de cette soirée, nous avons profité de la discussion pour déguster quelques plats réalisés par nos soins à partir des recettes utilisées à Romainville, 100% bio, 100% fait maison (et très bon). Le travail du collectif « Les Pieds dans le plat » montre que les solutions existent, et qu’avec une volonté politique, les choses peuvent même changer très vite. Il est donc permis de rêver, et de transformer le rêve en réalité.

